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Le Team Viola (GBR) était prêt à repartir pour une nouvelle saison. "J'ai eu le coeur brisé"


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Katrina Cotterrall (au centre) a entraîné le Team Viola durant leur première et unique saison l'an dernier. /Credits: Katrina Cotterrall

Beaucoup de fans de synchro se rappellent du Team Viola, cette équipe championne de Grande-Bretagne en 2018 et qui avait concouru au championnat du monde l'an dernier à Stockholm. L'ancienne coach de l'équipe Katrina Cotterrall a accordé à Jura Synchro une interview revenant sur son expérience.

Il a fallu de longs mois à Katrina pour témoigner à propos de son expérience avec le Team Viola. Jura Synchro revient avec elle sur cette folle année.

Tout d’abord Katrina, quel est votre parcours dans le patinage synchronisé?
Katrina Cotterrall: J'ai d'abord rejoint une équipe de patinage de précision dans le Queens à Londres, appelée "Queens Coronets", avec laquelle j'ai patiné pendant 3 ans. C'est là que ma passion pour le patinage synchronisé a commencé. Je dois aussi souligner mon absolue obsession pour l'équipe NEXXICE du Canada. Je n'ai pas honte d'admettre que je suis complètement fan. En fait, je suis même allée en Italie à la Spring Cup pour les regarder.

En 2007, j'ai commencé mes études de sage-femme. En raison de mes trois enfants et d'une vie de famille bien remplie, j'ai malheureusement dû réduire le nombre d'heures consacrées à l'entraînement. Trois semaines plus tard, mes patineurs me manquaient. Pour nous permettre de garder le contact, j'ai créé un club de patinage synchronisé où ils pouvaient tous rester continuer à se voir. Je suis donc restée dans le monde du patin et me voilà aujourd'hui. Ma première équipe de synchro s'appelait Team Spirit. Nous avons commencé à nous entraîner à Bristol seulement 2 heures par semaine. Cette équipe était tellement amusante! Nous n'étions qu’un groupe de patineurs qui s’étaient retirés de la compétition en solo et qui avaient découvert une nouvelle passion pour le patinage synchronisé. Nous avons appris ensemble, voyagé ensemble et grandi ensemble. En 2013, nous avons participé à notre premier événement Senior ISU à Zagreb. C'était le Zagreb Snowflakes Trophy. Etre baignés dans cet environnement compétitif, au sein d'équipes de haut niveau, a encore renforcé ma passion pour ce sport. Cela m'a également fait comprendre que si je voulais faire avancer mon équipe, il nous fallait nous entourer d'experts.

Vous avez donc voulu vous améliorer en tant qu'entraîneur?
Oui, suite à cette compétition en 2013, j'ai contacté Alain-Daniel Hostache, entraîneur-chef de l'équipe de France Zoulous. Je lui ai demandé s'il viendrait en Grande-Bretagne pour travailler avec moi-même et les patineurs. En été, il est venu à Cardiff avec deux de ses patineurs et il a complètement changé ma façon d'entraîner. C'était incroyable, son énergie, sa positivité et sa motivation transparaissaient, et les patineurs avaient vraiment envie d'apprendre et de s'améliorer. Honnêtement, je pense que si je n'avais pas fait ce saut et demandé de l'aide, l'équipe n'aurait pas eu le succès qu'elle a eu. Alain et moi restons de très bons amis et il est un mentor fantastique pour moi.

Avec cette équipe, nous nous sommes qualifiés pour les Mondiaux 2014 à Courmayeur en tant que Team GB. Cette semaine en Italie restera dans ma mémoire pour toujours, j'en garde des souvenirs magnifiques. Le Team Spirit a connu quelques années de succès, il a de nouveau pu représenter notre pays aux Mondiaux en 2015 au Canada et a continué à participer aux compétitions internationales durant les deux années qui ont suivi. Notre club est devenu de plus en plus puissant au cours de cette période. Nous avions 4 ou 5 équipes, qui allaient toutes bien. Team Destiny a par exemple été le champion britannique 2017 dans la catégorie Junior B. Son programme reste l'un de mes favoris à ce jour.


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Katrina avec le Team Spirit, sa première équipe Senior qui avait remporté des championnats nationaux et s'était qualifiée pour ses premiers championnats du monde. /Credits: Katrina Cotterrall

Racontez-nous les débuts du Team Viola...
En janvier 2017, au lendemain des championnats britanniques, le PDG de Viola m'a contacté. Il m'a proposé de diriger une équipe Senior ISU entièrement financée par son entreprise. Sa fille était déjà membre du Team Spirit et il souhaitait investir dans l'équipe pour permettre aux patineurs de s'entraîner sans contraintes financières. Il m'a fallu environ 5 minutes pour dire oui! Quel entraîneur ne le ferait pas. À la suite de plusieurs réunions, un plan d'action a été mis en place et, en février 2017, la recherche de patineurs a commencé.

Vous avez cherché des patineurs qualifiés!
Oui! Nous avons eu une audition sur deux jours au mois de mars. Les patineurs ont été soumis à de nombreux tests. Compétences de patinage, théâtre, ballet, force et condition physique et un entretien ont permis de les sélectionner. J'ai adoré ces 2 jours. J'avais vraiment l'impression que quelque chose de spécial allait se passer. Nous avions une excellente équipe d’entraîneurs qui travaillait avec nous, c’était vraiment spécial.

Les trois premiers mois ont donc été consacrés à la formation, c’est ce que j’aime le plus. Nous avons patiné dans l'obscurité, avec une musique douce et avons littéralement cherché à retrouver l'essentiel dans le patinage. Carres, glisse, souplesse... c’était génial de pouvoir disposer du temps de glace et des heures pour travailler avec eux. L'entraînement hors glace était aussi très ardu. Notre entraîneur personnel, Rhodri Williams, a présenté à l'équipe un programme extraordinaire de condition physique et de résistance, tous individualisés et spécifiques à la synchro. Samantha Amelia Hancock, notre professeur de ballet a travaillé avec eux sur la base, la flexibilité et la posture, cela a vraiment compté. Nous étions un groupe d'entraîneurs fantastique, j'ai vraiment senti que nous travaillions bien ensemble, ces jours me manquent.

Les programmes ont ensuite vu le jour?
Au début de l'été, nous avons fait venir Kristen Loritz et Lee Chandler, champions du monde 2015 pour travailler nos programmes de la saison. Ayant déjà collaboré avec Kristen depuis 2015, je savais qu'elle était la bonne solution. Et pour l'avoir vu travailler ensemble avec Lee... Wow! J'aurais pu m'asseoir et regarder avec admiration. Ils ont apporté à l'équipe quelque chose dont je rêvais. Ce fut 50 heures de pur plaisir, d'enrichissement et aussi de douleurs musculaires.

À la fin de l'été, nous avons eu notre camp en France avec Alain-Daniel Hostache. Nous avons passé 7 jours intenses à chorégraphier le programme court, à nous entraîner, à développer des compétences, à tisser des liens en équipe, à apprendre à se connaître, un autre tas de souvenirs. Nous avons ensuite eu notre pause bien méritée.

Nous sommes retournés à l'entraînement à la fin du mois d'août et, malheureusement, nous n'avions plus une équipe complète. Certains patineurs ont abandonné à cause de la logistique, de la difficulté du calendrier d'entraînement et de l'engagement. Avec l'aide de ONETEAM, nous avons pu recruter des patineurs internationaux afin que l'équipe Viola puisse poursuivre son chemin.



Pourquoi le Team Viola s'est-il arrêté l'été dernier?
En bref, il n’y a pas de réponse claire. C’est un choc, c’est certain. Le jour où on nous a dit qu'il n'y aurait plus d'équipe, c'était à cause d'un manque de fonds. Financer une équipe de ce niveau n’est pas bon marché. Je peux seulement dire que je suis 100% reconnaissante d’avoir eu cette petite année d’entraînement dans ces conditions. Cela a aussi permis de montrer que ce type d'organisation était le seul moyen pour les équipes de synchro d’améliorer leurs résultats année après année. Nous avons eu tellement de succès en si peu de temps: 10 mois, et tout a été financé par Viola. Je suis sûre qu'il n'y a pas un seul "Violie" (n.d.l.r. surnom donné aux patineurs de l'équipe Viola) qui n'a pas apprécié l'expérience. Où que les patineurs soient aujourd'hui, j'espère qu'ils auront su utiliser cette période de formation pour s'améliorer dans sa carrière synchro.

Était-ce difficile pour vous?
J'ai eu le cœur brisé, ce n'est pas facile d'expliquer les émotions ressenties durant cette période. Cela faisait mal pour de nombreuses raisons. Pour ce que nous avions accompli et pour ce que nous aurions pu réaliser si nous étions restés ensemble. L'équipe a grandi en force après les premiers championnats du monde. Nous avons eu des essais pour la nouvelle saison et à notre retour des championnats du monde, nous avions une solide équipe de 18/19 personnes. Je n’avais jamais eu ça auparavant. C’était tellement excitant. Lee et Kristen sont revenus en mai et ont chorégraphié le programme libre. Nous étions si prêts. L'équipe était déjà à un autre niveau en termes de compétences et de performances.

Avez-vous aimé entraîner le Team Viola?
J’ai adoré coacher Viola. Cela n’a pas été sans stress bien sûr, il y a aussi eu beaucoup de travail. J’avais avec moi un groupe fantastique d’entraîneurs. À l’intérieur comme à l’extérieur, les patineurs étaient comme des éponges et absorbait l’environnement, savourant la structure de l'entraînement. J'ai fait un Master en sport et en performance, et le sujet de ma thèse était "Créer un environnement centré sur les athlètes pour les patineurs synchronisés". Cette expérience avec Viola m'a permis d'utiliser ce que j'ai appris lors de ma maîtrise et de changer mon style de coaching pour que l'équipe en profite.

Aujourd'hui, presque un an plus tard, quel est votre meilleur souvenir?
Il y en a tellement. Peut-être que je choisirais le moment où l'équipe a quitté les vestiaires pour patiner le programme court aux Nationaux. Auparavant, je trouvais tellement difficile de parler lors des compétitions, mes propres nerfs prenaient littéralement le dessus. Ce moment là fut important pour nous tous. Nous sentions que nous avions tellement de choses à prouver. J'avais préparé un discours qui est sorti du cœur. Je ne divulguerai pas tout ce que j'ai dit, mais je me rappelle leur avoir déclaré: "En étant qui vous êtes, en vous entraînant semaine après semaine, en suivant mes instructions et mes idées folles, nous sommes arrivés jusqu'ici. Vous m’avez permis de faire ressortir le meilleur de moi, donc faites à votre tour ressortir le meilleur de vous. Si j'en suis là c'est grâce à vous et pour cela, je suis très reconnaissante." C'était spécial. C'était un moment magique, et il y avait des larmes à coup sûr.



Avez-vous de nouveaux projets?
J'ai de nouvelles équipes maintenant, Magenta. Ce n’est pas facile de tout recommencer. Cependant, il est si difficile de s’éloigner de ce sport. Je l'aime tant. Cette saison a été pour le moins difficile, mes Seniors n’ont pas encore pu participer pleinement à un événement pour diverses raisons. Cela me rend triste après tant de luttes, mais plus encore, leurs programmes sont tout simplement magnifiques. Nous allons garder les programmes car ils n'ont pas été patinés. Ce que mon expérience avec le Team Viola m’a le plus appris, c’est la nécessité de maintenir les équipes avec la même intensité. Il est difficile de revenir à un régime d'entraînement de 2 heures par semaine lorsque vous avez eu un aperçu d'un programme intensif durant une année. Mon équipe senior est composée de patineurs venant de partout, ce qui rend la logistique assez difficile. Cependant, nous nous entraînons toujours 20 à 25 heures par mois sur la glace. Mon espoir est que nous puissions nous appuyer sur ce que nous avons commencé et être prêts et forts pour faire nos débuts avec l'équipe la prochaine saison.

Et vous n’oubliez pas non plus la relève...
Mes équipes Juvénile et Préliminaire se lancent également dans une nouvelle structure de formation pour la première fois. Nous avons incorporé des cours de ballet, hors glace et augmenté nos heures d’entraînement sur glace. Mon rêve a toujours été de commencer par la base, en initiant les jeunes à des sessions de formation plus longues. Si on commence la formation à un si jeune âge, la transition au niveau Junior/Senior sera plus facile. Je suis chanceuse d'avoir derrière moi un groupe de parents qui soutiennent pleinement leurs enfants et qui sont complètement épris de synchro.

Enfin, quels sont vos rêves pour la synchro?
De toute évidence, l'objectif principal est de faire entrer ce sport magnifique aux Jeux olympiques. Je dois croire que cela se produira quand le moment sera propice. Mon rêve jusqu'à présent est que les équipes de niveau inférieur aient la possibilité de s'entraîner de la même manière que les équipes de niveau supérieur. Cela nous permettra tous d’être sur le même terrain. C’est un grand pas, certes, mais les petits pas rendront les grands pas moins effrayants. Cela serait mon conseil à tous les patineurs et entraîneurs qui se lancent dans une carrière synchronisée. Ayez l'esprit ouvert, préparez-vous à toutes les émotions qui se dévoilent, surtout quand vous les attendez le moins. Travaillez fort, aimez ce que vous faites. Ce sport enseigne aux gens tellement plus que la façon de patiner, il m’a appris à vivre.