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Tout ce que les patineurs doivent savoir à propos du stretching


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Des étirements de longue durée ont des effets plus prolongés. (Crédits: Pixabay)

Les coaches conseillent toujours aux patineurs de faire du stretching, mais que dit la science sur le rôle de l'étirement dans l'amélioration des performances et la prévention des blessures? Martina Ricci, médecin, patineuse synchro depuis 18 ans et rédactrice pour Jura Synchro a passé en revue la littérature scientifique.

Les routines d'échauffement de patinage sont une pratique largement acceptée par les entraîneurs et les athlètes, mais il existe encore peu de preuves scientifiques permettant d'attester clairement de leur efficacité. L'efficience des exercices d'échauffement dépend également des techniques utilisées.

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L'objectif principal de toute routine d'échauffement devrait inclure la prévention des blessures, l'amélioration des performances et, enfin et surtout, une prise en charge des valeurs psychologiques, en particulier avant une compétition [1].

Le patinage demande à la fois force, flexibilité et précision de mouvement. Pour cette raison, le but du stretching avant de patiner est de s'assurer que le patineur atteint une amplitude de mouvement suffisante dans ses articulations pour effectuer l'activité sportive de manière optimale, ce qui permet également des mouvements plus libres et [2] une meilleure souplesse musculaire. En réduisant ainsi la rigidité des tissus, on diminue ainsi théoriquement, le risque de blessure.

Le stretching permet donc d'affecter à la fois les performances, mais aussi le risque de blessure, même si l'effet préventif de l'étirement sur les blessures n'a pas été très étudié dans le monde du sport. Les données actuelles suggèrent même que l'étirement ne pourrait pas fournir à lui tout seul un avantage sur la prévention des blessures.

Plus récemment, des chercheurs et des praticiens en médecine du sport ont souligné l'importance d'un entraînement neuromusculaire, plus complexe et complet. Ce type d'entraînement pourrait réduire les blessures aiguës des membres inférieurs, notamment du genou et de la cheville.

Cependant, les résultats de cette étude sont à nuancer pour de nombreux sportifs, équipes ou clubs, car il est nécessaire d'avoir un équipement particulier (par exemple, des planches d'équilibrage) et de l'exigence dans les séances d'entraînement. Ces séances sont en effet à rajouter à l'entraînement normal et la compétition. Dans ces cas, une solution plus pratique pourrait être d'incorporer des exercices d'entraînement neuromusculaire qui ne nécessitent pas d'équipement supplémentaire dans les routines d'échauffement actuelles. [2]

Qu'en est-il de la durée du stretching?
L'étirement statique (SS) semble réduire le risque de blessure de 5% dans un programme d'étirement musculaire typique de 12 semaines. Les études montrent aussi que cela réduirait la douleur de 2% au cours des 72 premières heures après l'exercice. Malgré ces bons résultats, certaines études ont établi que l'étirement statique aigu avait un effet indésirable sur diverses performances.

Certains chercheurs [3] ont montré qu'un SS de courte durée (30 secondes) augmente la flexibilité et n'a pas d'effet négatif sur la force musculaire. Au contraire, les gymnastes (athlètes évalués dans l'étude) qui exécutaient des SS plus de 15 minutes obtenaient de moins bonnes performances de saut, donc une durée plus longue d'étirement pouvait être préjudiciable.

Quoi qu'il en soit, il est bien connu qu'après 5-6 minutes d'intervalle entre les étirements et le début de la performance, les effets négatifs créés par le SS disparaîssent: donc entre le moment où nous faisons notre stretching et le moment où nous entrons sur la glace, le "mauvais" côté de l'étirement aurait déjà disparu [1].

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Au contraire, des étirements de plus longue durée auraient selon les scientifiques des effets prolongés. Différentes études donnent en effet un aperçu de la durée totale des étirements nécessaires pour obtenir un résultat durable; 4 × 30 secondes (2min) et 2 × 45 secondes (1,5min) semblent être insuffisants selon les chercheurs qui recommandent plutôt 5 × 60s (5min) et 4 × 90s (6min) pour une meilleure efficacité.

Un muscle étiré durant 4 minutes bénéficient d'effets qui se voient encore après 10 minutes (Ryan et al., 2008). Quatre minutres seraient donc la durée moyenne recommandée pour un effet prolongé et éviter une résistance passive du muscle. Cela signifie ainsi qu'il faudrait environ 20 minutes pour étirer efficacement les groupes musculaires agonistes et antagonistes de manière bilatérale.

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Si deux ou trois séries de muscles agonistes et antagonistes doivent être étirées, comme c'est le cas pour une activité sportive impliquant de nombreuses articulations et parties du corps comme le patinage artistique, la durée totale du stretching devrait être idéalement tourner entre 40 à 60 min. Cette durée permettra de diminuer peu à peu la résistance dans ces groupes musculaires ciblés. Toutefois, ce laps de temps est souvent trop long dans les échauffements des patineurs.

Comment faire donc? Choisir des étirements qui incluent plusieurs groupes musculaires. Cela permettra de réduire le temps total nécessaire pour un échauffement efficace. Par exemple, en étirant les ischio-jambiers en étant debout (par exemple pour pouvoir tenir une position à 135°), la jambe d'appui sera également étirée en même temps que les ischio-jambiers controlatéraux.

Étirements intermittents ou continus: quel est le meilleur?
L'étirement intermittent semble être plus efficace que le stretching en continu, à la fois pour l'amélioration et l'amplitude des mouvements à long terme, selon une étude menée sur de jeunes athlètes féminines. L'étirement intermittent a conféré une amélioration plus importante de l'amplitude du mouvement par rapport à l'étirement en continu [4].


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Essayez de choisir des exercices impliquant plusieurs groupes musculaires. (Credits: Pixabay)

Dans la pratique, les patineurs doivent utiliser le stretching pour avoir une amplitude de mouvement suffisante dans leurs articulations. Une période d'échauffement, avec ou sans étirement, sera généralement nécessaire si on veut atteindre cette amplitude de mouvement. La question est de savoir si cela peut venir de l'étirement seul, de l'échauffement seul, ou si une combinaison d'échauffements et d'étirements est conseillée. La littérature scientifique n'a pour l'heure pas de réponse claire.

D'après plusieurs études, les recommandations d'étirement sont les suivantes:

- Etirer de manière ciblée les groupes musculaires très sollicités par le sport. Par exemple les fléchisseurs et extenseurs de la hanche en patinage artistique.

- Etirer au moins quatre à cinq fois, durant 60 sec, chaque muscle afin de faire diminuer la tolérance à la douleur et la résistance passive à l'étirement.

- Inclure la formation neuromusculaire dans votre pratique [5].

- N'oubliez pas non plus de vous étirer après l'entraînement pour détendre les muscles fatigués.

Espérons que les futures études expérimentales et épidémiologiques fourniront des données plus substantielles afin de guider davantage les athètes dans leur préparation.

Ressources scientifiques
[1] L. Guidetti, A. Di Cagno, M. C. Gallotta, C. Battaglia, M. Piazza, and C. Baldari, “Precompetition warm-up in elite and subelite rhythmic Gymnastics,” J. Strength Cond. Res., vol. 23, no. 6, pp. 1877–1882, Sep. 2009. 

[2] K. Herman, C. Barton, P. Malliaras, and D. Morrissey, “The effectiveness of neuromuscular warm-up strategies, that require no additional equipment, for preventing lower limb injuries during sports participation: a systematic review,” BMC Med., vol. 10, p. 75, Jul. 2012. 

[3] Y. Ogura, Y. Miyahara, H. Naito, S. Katamoto, and J. Aoki, “Duration of static stretching influences muscle force production in hamstring muscles,” J. Strength Cond. Res., vol. 21, no. 3, pp. 788–792, Aug. 2007.

[4] O. Donti, K. Papia, A. Toubekis, A. Donti, W. A. Sands, and G. C. Bogdanis, “Flexibility training in preadolescent female athletes: Acute and long-term effects of intermittent and continuous static stretching,” J. Sports Sci., vol. 36, no. 13, pp. 1453–1460, Jul. 2018

[5] M. P. McHugh and C. H. Cosgrave, “To stretch or not to stretch: the role of stretching in injury prevention and performance,” Scand. J. Med. Sci. Sports, vol. 20, no. 2, pp. 169–181, Dec. 2009.