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Mika Saarelainen: "L'expérience la plus fantastique vient d'une performance émotionnelle et authentique"


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L'équipe junior Celestials de Finlande. (Crédits : Ville Vairinen - 2021)

Il est l'un des rares juges au monde à être qualifié pour juger toutes les disciplines du patinage artistique (patinage en simple, en couple, danse sur glace et patinage synchronisé). Mika Saarelainen de Finlande est juge depuis 38 ans et est allé très loin dans cette fonction.

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Vous venez de recevoir une invitation aux Jeux Olympiques de Pékin où vous serez l'arbitre (referee) de la danse sur glace. Félicitations ! Dites-nous qu'est-ce qui vous a amené à une carrière de juge?

Mika Saarelainen : J'ai moi-même commencé à patiner en simple, puis je suis passé à la danse sur glace. J'ai terminé ma carrière de patineur à l'âge de 16 ans et je suis immédiatement devenu juge. J'ai commencé en tant que juge de patinage simple et j'ai également suivi une formation de juge de danse sur glace. Lorsque le patinage synchronisé a commencé, il allait de soi que je le ferais aussi.

J'ai également fait partie du comité technique de l'ISU pour le patinage synchronisé pendant huit ans. Ce fut une période très instructive et je dois admettre que pour ma part, je suis en partie responsable des règles actuelles. Le couronnement de ma carrière de juge c'est en ce moment, avec cette invitation aux Jeux olympiques.



Combien de temps avez-vous passé à vous former?

La carrière d'un juge progresse étape par étape, d'abord dans les compétitions nationales où vous pouvez évoluer dans les classes de juge. Ensuite, vous pouvez vous entraîner pour devenir juge international, puis devenir arbitre international, puis juge ISU et enfin, dans cette classe, arbitre (referee) ISU.

Il y a une formation et des tests à chaque étape et chaque année, le travail des juges dans les compétitions est évalué. Si vous voulez passer au niveau supérieur, cela prendra au moins dix ans, peut-être plus, car à chaque étape il faut juger pendant plusieurs années et juger un certain nombre de compétitions pour pouvoir postuler au niveau suivant et réussir le prochain examen. De plus, si, par exemple, vous avez patiné vous-même dans certaines des équipes, vous devez avoir suffisamment de distance temporelle pour agir objectivement en tant que juge.

"Ne patinez pas seulement pour les juges. Osez être vous-même."
Quelqu'un qui s'intéresse au sport peut-il devenir juge ?

Fondamentalement, n'importe qui - du moins en Finlande - peut suivre un cours de juges. Personne n'est exclu et n'importe qui peut devenir juge et participer aux cours, ne serait-ce que pour apprendre à comprendre les règles. Dans la pratique, cependant, votre propre expérience en patinage aide énormément. J'aimerais avoir plus de juges, surtout en Finlande, car nous avons beaucoup d'équipes, les compétitions sont de gros événements et les journées de compétition sont longues.

Devenir juge demande un engagement fort, beaucoup d'auto-apprentissage : il faut bien connaître les règles et être conscient de ce que l'on fait. Vous devez intérioriser toute la réflexion sur l'évaluation et le fait que vous devez toujours penser à ce qu'il y a de mieux pour l'équipe. Vous devez vouloir que tout le monde réussisse et que la meilleure équipe gagne.

Il faut aussi avoir un caractère très fort car, dans le monde du patinage, les retours des juges peuvent être un peu polyphoniques. Vous devez pouvoir justifier vos décisions et vous rappeler que seules les règles affectent votre évaluation. Il faut pouvoir être neutre et objectif.


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Filia Aboenses de Finlande. (Credits: Ville Vairinen - 2021)

Vous êtes juge dans tous les sports de patinage artistique. Qu'est-ce qui diffère le plus dans le jugement du patinage synchronisé?

Le plus difficile, ce sont les 16 patineurs sur la glace. Il faut s'habituer à voir tous les patineurs en même temps. Cela s'apprend bien sûr, mais c'est peut-être la partie la plus difficile.

Les règles sont aussi assez détaillées : il faut vraiment prendre en compte beaucoup de choses pour poser une évaluation correcte. Le jugement, en général, est devenu plus complexe; il y a un petit risque de confusion parfois entre la technique et le côté "juges". Ces deux choses doivent rester vraiment strictement séparées : il y a d'un côté, une difficulté séparée dans l'exécution des éléments, et puis il y a leur qualité.

Votre expertise dans d'autres sports de patinage artistique (règles, etc.) affecte-t-elle votre évaluation en patinage synchronisé?

Oui, notamment à cause de mon intérêt pour la danse sur glace, je porte une attention particulière aux pas, à l'interprétation de la musique, et à la chorégraphie. Ces choses, ainsi que mon expérience professionnelle dans la musique, le ballet classique et la danse m'ont également amené à former des juges à travers le monde. Je forme des juges internationaux depuis plus de 15 ans.

Quelles sont les principales choses qui attirent votre attention lors des performances des équipes ?

L'authenticité! Je vois beaucoup d'équipes et à chaque fois, nous essayons de tirer le meilleur parti des sentiments authentiques. J'essaie de dire aux équipes que si vous ne ressentez rien sur la glace, nous, dans le public, ne ressentons rien non plus.

Heureusement, beaucoup de progrès ont été accomplis jusqu'ici. On ne voit plus autant de « Big Mac smiles » exagérés par exemple. L'expérience la plus fantastique vient d'une performance émotionnelle et authentique. Ne patinez pas seulement pour les juges. Osez être vous-même.

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Les juges devraient-ils faire "peur" ou être excités?

J'espère vraiment que non ! C'est ma mission, je veux être accessible et je veux faire passer le message que les juges sont toujours du côté des patineurs ; nous voulons que tout le monde réussisse et obtienne le score le meilleur et le plus juste possible. La compétition est passionnante, mais les juges n'ont pas à être excités.

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