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Marie-Amélie, patineuse française de Nexxice, bloquée en France


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Marie-Amélie Mansard (au centre) patinant avec l'équipe Nexxice la saison dernière. (Credits: Danielle Earl Photography - 2020)

Sept mois après le début de la pandémie du Covid-19, le retour à la vie normale reste difficile pour certains. Zoom sur Marie-Amélie Mansard-Juignet, une athlète française qui a déménagé au Canada pour patiner avec Nexxice Sénior mais qui se retrouve bloquée en Europe depuis la fermeture des frontières.

Marie-Amélie a 21 ans et vient de finir sa première saison avec Nexxice Sénior. Comme beaucoup de patineurs, ses rêves se sont vu écourtés avec la pandémie mondiale du coronavirus et l'annulation des championnats du monde. Depuis mi-mars, elle est en France et attend la réouverture des frontières canadiennes pour pouvoir s'entraîner avec son équipe. En attendant, elle en profite pour poursuivre ses études en sciences du sport (STAPS) à l'Université Lyon 1 tout en gardant la forme en pratiquant de la danse ou de la course à pied, en parallèle du patinage.

Retour sur son parcours! 

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Pour commencer, où as-tu grandi et où est-ce que tu vis maintenant?

Marie-Amélie: En tant normal, je dirais que j'habite à Hamilton, en Ontario au Canada, mais en ce moment je suis avec ma famille en France, en Haute-Savoie à côté du Mont-Blanc. J'ai énormément déménagé étant petite: je suis née en Bretagne, à Brest, avant de passer une grande partie de ma jeunesse à Lyon.

Comment as-tu commencé le patinage?

J'ai commencé le patinage un peu par hasard. J'avais seulement 3 ans quand je suis passée devant la patinoire de Lyon et que mes parents m'ont proposée d'essayer. Je suis tout de suite tombée sous le charme. J'arrivais même en avance aux entraînements pour pouvoir admirer les plus grands qui s'entraînaient avant moi. Par la suite, ce sont les danseurs canadiens Tessa Virtue/Scott Moir ainsi que les Français Isabelle Delobel/Olivier Schoenfelder qui ont été mes sources d'inspiration par leur élégance et la facilité qu'ils avaient à patiner. 

Comment occupes-tu ton temps entre les saisons?

Les intersaisons sont souvent très courtes en patinage, alors je profite de ces quelques semaines pour décrocher totalement les patins et prendre soin de mon corps. Cette pause me permet de revenir en forme et motivée pour attaquer la nouvelle saison. 


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Quel est ton parcours en tant que patineuse? As-tu patiné dans une autre équipe avant Nexxice?

J'ai commencé le patinage en pratiquant la danse sur glace, d'abord individuellement pendant 7 ans, et après avec un partenaire pendant 4 ans. C'est en 2015 que j'ai découvert le patinage synchronisé, 2 mois avant les championnats du monde à Hamilton, au Canada. En effet, l'équipe de France de patinage synchronisé, les Zoulous, se trouvait (et se trouve encore) à Lyon et recherchait 2 patineuses pour compléter leur effectif pour cette dernière compétition de la saison. J'ai passé les auditions et j'ai eu la chance d'être prise. Après cette belle et nouvelle aventure, j'ai décidé d'arrêter le patinage. Seulement, 6 mois plus tard j'ai réalisé que cela me manquait. J'ai donc repris individuellement en danse sur glace au club de Saint-Gervais-Mont-Blanc avec Isabelle Delobel. En 2017, j'ai postulé pour revenir dans l'équipe de France de patinage synchronisé à Lyon, chez Les Zoulous. J'ai ensuite patiné 2 saisons entières avec cette équipe. 

Commence ensuite votre aventure chez Nexxice. Comment se sont passées les auditions? 

J'ai postulé un peu sur un coup de tête. Après les championnats du monde à Helsinki en 2019, j'étais pleine de doutes et je ne savais pas si j'avais envie de continuer, de partir ou de simplement tout arrêter. Ma motivation n'était plus au rendez-vous. C'est à ce moment-là que j'ai vu une publication Instagram de Nexxice, qui recherchait des patineurs pour compléter leur équipe sénior. Le lendemain, je tournais une vidéo de candidature que j'ai envoyée aux entraîneurs de Nexxice. Quelques jours plus tard, j'ai été acceptée dans l'équipe. J'ai pris l'avion 2 semaines plus tard.

Pourquoi avoir choisi cette équipe?

J'ai toujours admiré la qualité de patinage de Nexxice, c'était donc un choix logique pour moi.

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Quels sont les plus grands changements entre la France et le Canada (par rapport au style de vie, de patinage mais aussi de langue...)?

La première différence entre la France et le Canada (hors Québec) c'est la langue, où nous parlons anglais. Grâce aux séries que je regarde en version originale depuis quelques années, j'avais tout de même de bonnes bases en anglais avant de partir. Je n'ai pas eu besoin de prendre des cours mais j'ai pu améliorer ma fluidité en pratiquant tous les jours et j'ai gagné en assurance.

Au niveau du style de vie, l'alimentation est différente. Par exemple les heures de repas, où le dîner se situe aux alentours de 16h-17h au Canada contrairement en France où cela est plutôt vers 19h-20h. Les produits sont également différents ou pas aussi accessibles qu'en France. Au début c'est perturbant, mais on finit par s'habituer.

Pour le patinage, le Canada a la chance de disposer d'un nombre incalculable de patinoires dans toutes les villes et villages, ce qui facilite la programmation d'entraînements avec des horaires plus avantageux. 

Parles-nous un peu plus de Nexxice et de ta première expérience l’an passé...

Ma première année avec Nexxice a été une expérience incroyable et je n'ai aucun regret. Le seul petit bémol fût que je n'ai pas pu obtenir ma "release" de la fédération française (lettre permettant à un patineur de représenter un autre pays.) ce qui fait que je n'ai pas pu participer aux compétitions internationales ni aux championnats canadiens. Malgré tout, grâce à mes entraîneurs et mes coéquipières, j'ai toujours eu l'impression de faire partie intégrante de l'équipe et je ne me suis jamais sentie à l'écart. Je m'entrainais tout autant que le reste de l'équipe.

Nos entraîneurs sont principalement Shelley Simonton-Barnett et Anne Schelter. Nous avons aussi la chance d'avoir la participation active et régulière de Jennifer et Danyel, d'anciennes patineuses Nexxice. Chaque saison, nous avons aussi des intervenants (chorégraphes et danseurs) qui viennent nous aider avec nos programmes pour développer nos qualités artistiques sur et hors-glace. Enfin, nous avons aussi un préparateur physique, 1 à 2 fois par semaine, pour entretenir notre condition physique.

Nos entraînements varient, et nous en avons souvent plus à l'approche des compétitions. Généralement, nous nous entraînons à l'Appleby Arena à Burlington, mais il nous arrive de varier les patinoires pour s'habituer aux gradins ou pour avoir la chance de patiner sur une glace olympique. Au Canada, les glaces sont souvent aux proportions du hockey, qui sont légèrement différentes. Les entraînements sont similaires à ce que j'ai connu en France, mais au Canada, nous avons la chance de disposer de plus d'entraînements. 

Parlons maintenant du Covid-19. Quel fut ton ressenti face à l'annulation des Mondiaux?

Je suis forcément très triste que les Mondiaux aient été annulés. J’avais hâte d’être à Lake Placid pour montrer nos merveilleux programmes. On avait travaillé vraiment dur. Cependant, l'annulation est compréhensible. La situation sanitaire est très importante et la santé doit toujours passer avant!  

Est-ce que cela a affecté vos entraînements et comment gérez-vous la situation?

La situation sanitaire actuelle a affecté, et affecte d'ailleurs toujours nos entraînements. Les règles sont assez strictes au Canada. Nous avons pu reprendre les entraînements tard dans l’été et seulement par petits groupes, puis enfin en équipe complète. Encore aujourd’hui, le contact physique n’est toujours pas autorisé, sauf pour les patineuses habitant ensemble. On reste positifs en se disant que c’est l’occasion parfaite pour travailler nos qualités individuelles. Malheureusement certaines patineuses étrangères dont moi-même sommes bloquées en Europe. Malgré tout, nous pouvons assister aux entraînements grâce à l'application Zoom, même si c'est avec un décalage horaire.  



Tu es bloquée en France, comment est la situation pour toi? 

Je ne vais pas le cacher, la situation est difficile, ce n'est pas facile à gérer. J’ai un peu de mal à accepter la fermeture prolongée des frontières canadiennes pour les athlètes (non-professionnels, donc qui ne gagnent pas d'argent avec leur sport) mais je comprends qu’il s’agit de la sécurité du pays et je ne peux que prendre mon mal en patience. D’après de nombreuses rumeurs les frontières canadiennes resteront fermées jusqu'à début 2021 au minimum... J’espère un relâchement des restrictions bientôt.

En attendant j’en profite pour retourner à l’université afin de valider ma Licence STAPS dans l’objectif de devenir préparateur physique spécifique et de m’engager dans la recherche et le développement de la motricité. J’ai aussi commencé une saison en danse sur glace à Saint-Gervais-Mont-Blanc tout en effectuant les entraînements hors glace Zoom avec Nexxice. Ce qui me permet de rester en forme, en contact avec l’équipe et les entraîneurs, ainsi qu'à l’aise sur la glace en attendant de repartir.  

Envisages-tu de t'installer au Canada?  

Pour le moment, j'envisage de patiner encore 2 saisons avec Nexxice, jusqu'en avril 2022. Ensuite, seul l'avenir me le dira.

L'immigration canadienne autorise (du moins, avant le Covid-19) les athlètes étrangers à entrer et rester sur le territoire canadien pour pratiquer leur sport dans une équipe canadienne pour la durée de la saison. Le passage à l'immigration a été très simple et sans problème. Malheureusement, je n'ai pas pu bénéficier d'un permis de travail et je reste donc sous une fiche de visiteur. 


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Credits: Danielle Earl Photography - 2020

Quels sont tes objectifs ainsi que ceux de ton équipe pour la saison? Pensez-vous pouvoir participer à des compétitions? 

Mon objectif est de rester au niveau de l’équipe afin d’être prête pour mon retour. L’objectif principal de cette saison est de savoir s’adapter à la situation et de donner le meilleur.

Les compétitions sont toujours annoncées alors nous travaillons durement pour se préparer à celles-ci afin d’apporter toujours plus de créativité, d’élégance et d’art. Seul l’avenir nous dira si ces compétitions auront lieu, dans leur forme originale ou non. 2020 est l’année des surprises! 

Penses-tu que l'on sera en mesure d’avoir des compétitions cette saison? Que penses-tu des compétitions en live stream? 

Les mesures sanitaires étant différentes dans chaque pays, et ne faisant qu’évoluer différemment, nous ne pouvons pas savoir si les compétitions auront lieu, mais j’espère qu’il y en aura quelques unes. Il y a eu beaucoup de discussions autour des compétitions virtuelles de type "Live Stream", il peut s’agir d’une bonne idée pour garder le patinage synchronisé compétitif durant cette saison compliquée mais ce sera forcément très différent. L’ambiance des supporteurs, des aires d’échauffements, les moments en équipe à l’hôtel vont manquer à l’esprit de compétition. 

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Au vu de la situation, comment rester positif?

La situation est compliquée pour tout le monde et je pense qu’il est important de se le rappeler. Nous sommes tous dans le même bateau. L’importance est de s’adapter et de trouver ce qui marche pour chacun, que ce soit le sport, la méditation, les amis. C’est important de prendre soin de soi, encore plus qu’avant. En France nous avons eu un confinement général pendant 5 semaines, avec le droit à une sortie d'une heure quotidienne à 1km de son domicile maximum. Cela m'a permis d’effectuer un peu de sport. C’était vraiment la clé de mon bien-être. 

As-tu un message pour les patineurs qui rêvent de faire comme toi: partir pour intégrer l'équipe de leur rêve? 

À tous les patineurs qui rêvent de partir vivre de nouvelles expériences : "just do it." Faites-le. Il y aura plus de regrets à renoncer que de se lancer dans l’aventure!