Éditorial

"Mes poumons sont devenus si congestionnés que je croyais que j’allais me noyer"


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Championnats du monde juniors 2020 à Nottingham… «Il me semble que c'était il y a si longtemps» … Notre correspondante britannique Taryn Davison va se souvenir de cette compétition pour une raison très différente!

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Je me souviens que les programmes courts de vendredi étaient comme un peu étranges. Amanda Hembrow-Jones de British Ice Skating avait prononcé un joli discours qui avait rappelé l'absence du Japon, de la France, de l'Italie et des États-Unis en raison de la pandémie mondiale. Le nombre de spectateurs était drastiquement limité mais le public présent voulait s'assurer que les patineurs puissent sentir et entendre leur soutien lorsqu'ils étaient sur la glace. Je n'avais jamais réalisé que si peu de gens pouvaient faire autant de bruit. Malgré tout, tout cela semblait très spécial pour un championnat du monde.

Puis vint samedi. Nous venions d'apprendre le départ choc de l'équipe d'Espagne et les tribunes étaient pleines. Les gens dansaient et chantaient. Il y avait un esprit de fête dans l'air et tout le monde dans le public avait envie de passer un bon moment. Mais je n'étais pas d'humeur. J'étais vraiment fatiguée et je suis restée assise la plupart du temps. Puis est venu le dernier groupe, la compétition plus excitante que j'ai jamais vue avec cette belle bataille entre les équipes russes et finlandaises. Pourtant, je ne pensais qu'à une chose: rentrer à la maison. Cela ne me ressemble pas.

Au moment où j'ai quitté le stade, je me sentais vraiment bizarre. Mes jambes ne semblaient tout simplement pas vouloir avancer et la courte promenade jusqu'à la station de tram m'a essoufflée. J'étais comme un peu étourdie. Je n'y ai pas trop prêté attention à vrai dire. Deux compétitions d'affilée, le travail et les voyages rendraient n'importe qui fatigué, non? 

Dimanche, j'ai continué à prétendre que j'étais juste fatiguée. Je suis restée en pyjama toute la journée et bavardé un peu avec mon colocataire sur le canapé. Je n'ai rien mangé. En réalité, j'avais de la fièvre, une horrible toux et mal à la gorge, mais je continuais à ignorer et à minimiser mes symptômes. 


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Cérémonie des résultats aux championnats du monde juniors de Nottingham il y a deux semaines. (Credits: Anna Negasheva - 2020)

Après cela, les choses sont beaucoup plus floues. Je me souviens d'avoir "travailler à domicile" lundi même si je n'ai aucune idée de ce que j'ai réussi à réaliser. Je me souviens avoir été déçue de devoir annuler ma leçon de patinage. Ma température à ce stade rendait mes déplacements au sein même de mon appartement difficiles. J'étais comme très étourdie et j'avais des quintes de toux. Rien de trop important, mais j'étais trop fatiguée pour me faire à manger. Si j'avais eu du paracétamol, cela aurait probablement été différent. Mais je n'en avais pas. Au lieu de cela, j'ai pris de l'Ibuprofène et téléphoné à des amis pour me sentir moins seule. 

Dès lors, je ne me souviens plus vraiment de ce qui s'est passé, ni dans quel ordre. J'ai trois jours où je ne sais pas exactement ce que j'ai fait et quand. Les crises de toux se sont aggravées. Ca allait mieux quand j'étais allongée sur le dos, mais au final je suis arrivée à un point où mes poumons étaient tellement congestionnés que je pensais que j'allais me noyer et je devais alors m'asseoir. Une fois assise, je recommençais à tousser. Je ne pouvais plus respirer sans vomir. Ensuite, j'aurais de courtes périodes de repos, de manière consciente et non consciente, et ça recommençait. Après un épisode particulièrement grave, j'ai finalement composé le "111" - la ligne téléphonique du Royaume-Uni pour obtenir des conseils médicaux et des traitements. 

Il a fallu 30 minutes pour qu'une évaluation automatisée puisse se faire et j'ai enfin pu parler à une première personne, qui a aussi fait une autre évaluation. Ils m'ont ensuite passé dans la section COVID-19. Tout en ayant toujours des quintes de toux, j'ai attendu au téléphone pendant 2 heures jusqu'à ce que je puisse parler à quelqu'un. Je ne sais pas qui finalement m'a répondu - un médecin, une infirmière, aucune idée - mais cette personne était incroyable. Elle m'a rassuré, m'a dit de ne pas paniquer et m'a demandé de m'asseoir. Elle m'a également dit de NE PAS prendre d'Ibuprofène. Tout est flou et difficile à retenir, mais je sais qu'on est resté au téléphone pendant un certain temps. Une fois que j'ai réalisé que je n'allais pas mourir et que je pouvais respirer à nouveau, nous avons raccroché et un autre membre de l'équipe clinique de COVID-19 m'a rappelée le lendemain. Je pense qu'entre-temps, j'ai dormi la plupart du temps. 

Un ami est venu m'apporter quelques trucs, des choses à manger, de l'eau et - surtout - du paracétamol. Une fois que ce médicament était entré dans mon système, je me souviens un peu mieux des choses. 

Cela m'amène à vendredi. Ce jour-là, j'ai pu manger un peu et je commençais à me sentir un peu mieux aussi. J'ai eu moins de quintes de toux et les problèmes respiratoires avaient cessé - c'est le plus important. Mais en reprenant mes esprits, j'ai eu soudain un sentiment de panique. J'habite à Londres, loin de ma famille et mes colocataires m'avaient déjà fait sentir qu'ils n'étaient pas disposés à m'aider. J'étais trop faible et fatiguée pour me déplacer dans la maison, encore moins pour aller chercher de la nourriture, et pour aggraver les choses, j'avais le sentiment horrible que Londres allait être mise en "lockdown". Comme une vraie adulte, j'ai donc téléphoné à mes parents, mais ils ne pouvaient rien faire. J'étais encore contagieuse et je devais être isolée pendant encore plusieurs jours.

Lundi, il était évident que tout le pays allait être fermés. Une allocution ministérielle était prévue à 20 heures ce soir-là. Mes parents ont donc fait le trajet aller-retour de 420 miles pour venir me chercher. Ils m'ont emmitouflée et embarquée sur le siège arrière pour me ramener chez eux. Et c'est là que je suis cette semaine. Mon état s'améliore lentement, très lentement. Je ne peux toujours pas monter les escaliers sans m'évanouir. Et je ne peux pas rester assise très longtemps. J'ai une toux qui persiste la nuit et ma gorge est toujours douloureuse (mais seulement durant la nuit). Mais le sentiment de noyade a heureusement disparu. Aujourd'hui, je m'allonge au soleil et lis un livre. Mon appétit recommence à refaire surface. Je pense que ça va prendre quelques semaines avant que je retrouve mon état normal.

La puissance de ce virus m'a vraiment choquée. Je ne fais partie d'aucun des groupes «à risques» et je suis encore jeune. Pourtant, le coronavirus m'a complètement bousculée. Mais j'ai aussi été étonnée par le nombre de personnes qui m'ont contacté - m'ont téléphoné, m'ont envoyé des messages, m'ont envoyé de la nourriture. C'est tellement agréable quand vous vous sentez si mal, si malade, seule et effrayée d'avoir l'impression que les gens se soucient de vous - de toutes les manières possibles. 

Taryn Davison, GBR

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